Lyon, lectures offertes.

by les bookcrossers | Journals |
ISBN: 2765409625 Global Overview for this book
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Journal Entry 1 by tennessee4919 from Lyon, Rhône-Alpes France on Thursday, December 2, 2004
Petite explication à l'usage des non initiés et des autres curieux.

Vous trouverez ici le journal virtuel de nos soirées lecture.

Chaque bookcorsaire apporte un extrait, et le lit à haute voix à l'assemblée réunie et toute ouïe.

Tous les genres sont permis, toutes les idées sont les bienvenues.

Ensuite, chacun entre son extrait sur ce site, et apporte ses commentaires sur les autres extraits.

Journal Entry 2 by tennessee4919 from Lyon, Rhône-Alpes France on Thursday, December 2, 2004
Première séance le mercredi 24 novembre 2004, chez Snoow

Alors, voilà le premier extrait :

« On s’ennuie de tout, mon ange, c’est une loi de la nature ; ce n’est pas ma faute.
« Si donc, je m’ennuie aujourd’hui d’une aventure qui m’a occupé entièrement depuis quatre mortels mois, ce n’est pas ma faute.
« Si, par exemple, j’ai eu juste autant d’amour que toi de vert, et c’est sûrement beaucoup dire, il n’est pas étonnant que l’un ait fini en même temps que l’autre. Ce n’est pas ma faute.
Il suit de là, que depuis quelques temps, je t’ai trompée : mais aussi, ton impitoyable tendresse m’y forçait en quelque sorte ! Ce n’est pas ma faute.
« Aujourd’hui, une femme que j’aime éperdument exige que je te sacrifie. Ce n’est pas ma faute.
Je sens bien que voilà une belle occasion de crier au parjure : mas si la Nature n’a accordé aux hommes que la constance, tandis qu’elle donnait aux femmes l’obstination, ce n’est pas ma faute.
« Crois-moi, choisis un autre amant, comme j’ai fait une autre maîtresse. Ce conseil est bon, très bon ; si tu le trouves mauvais, ce n’est pas ma faute.
« Adieu, mon ange, je t’ai prise avec plaisir, je te quitte sans regret : je te reviendrais peut-être. Ainsi va le monde. Ce n’est pas ma faute. »

Pierre Choderlos de Laclos, Les liaisons dangereuses : extrait de la lettre CXLI, la Marquise de Merteuil au Vicomte de Valmont. (1782)

Parce que c'est à mon sens la plus belle lettre de rupture de la littérature. Tout en poésie, et en désespoir.
Parce que c'est difficile de rompre avec la femme que l'on aime.

Journal Entry 3 by Snoow from Lyon, Rhône-Alpes France on Thursday, December 2, 2004
Séance du 24 novembre 2004 -> suite !

"Sapeur-pompier, tout feu tout flamme, désire recontrer blonde incendiaire pour fonder un foyer. Téléphoner au 18."

"Monsieur ayant le coeur lourd recherche femme ayant la cuisse légère."

"Il nous reste encore deux places à l'avant, près de l'allée centrale. Réservation au cimetière de Pantin avant 19H."

"Loup voudrait rencontrer phoque pour mariage loufoque."

"Pâtissier expédie tartes postales contre remboursement."

Pierre DAC - Les petites annonces de l'OS à moëlle

Journal Entry 4 by Erual from Lyon, Rhône-Alpes France on Thursday, December 2, 2004
Sable à perte de vue, ente les dernières collines et la mer – la mer – dans l’air froid d’un après-midi presque terminé, et béni par le vent qui souffle toujours du nord.
La plage. Et la mer.
Ce pourrait être la perfection – image pour un œil divin – monde qui est là et c’est tout, muette existence de terre et d’eau, œuvre exacte et achevée, vérité – vérité –, mais une fois encore, c’est le salvateur petit grain de l’homme qui vient enrayer le mécanisme de ce paradis, une ineptie qui suffit à elle seule pour suspendre tout le grand appareil de vérité inexorable, un rien, mais planté là dans le sable, imperceptible accroc dans la surface de la sainte icône, minuscule exception posée sur la perfection de la plage illimitée. A le voir de loin, ce n’est guère qu’un point noir : au milieu du néant, le rien d’un homme et d’un chevalet de peintre.
Le chevalet est amarré par de minces cordes à quatre pierres posées dans le sable. Il oscille imperceptiblement dans le vent qui souffle toujours du nord. L’homme porte des cuissardes et une grande veste de pêcheur. Il est debout face à la mer, tournant entre ses doigts un fin pinceau. Sur le chevalet, une toile.
Il est comme une sentinelle – c’est ce qu’il faut bien comprendre –, dressée là pour défendre cette portion du monde contre la silencieuse invasion de la perfection, fêlure intime qui désagrège la spectaculaire mise en scène de l’être. Parce qu’il en va toujours ainsi, la petite lueur d’un homme suffit pour blesser le repos de ce qui était à un doigt de devenir vérité, et redevient alors immédiatement attente et interrogation, par le simple et infini pouvoir de cet homme qui est fenêtre, lucarne, fente par où s’engouffre à nouveau des torrents d’histoires, répertoire immense de ce qui pourrait être, déchirure sans fin, blessure merveilleuse, sentier foulé de milliers de pas où rien ne pourra plus être vrai mais où tout sera – comme sont précisément les pas de cette femme qui, enveloppée dans un manteau violet, la tête couverte, mesure lentement la plage, longeant le ressac de la mer, et raye de droite à gauche la perfection désormais enfuie du grand tableau, grignotant la distance qui la sépare de l’homme et de son chevalet jusqu’à n’être plus qu’à quelques pas de lui, puis juste à côté, là où s’arrêter n’est rien – et sans dire mot, regarder.
L’homme ne se retourne même pas. Il continue à fixer la mer. Silence. De temps en temps, il trempe le pinceau dans une tasse de cuivre et trace sur la toile quelques traits légers. Les soies du pinceau laissent derrière elles l’ombre d’une ombre très pâle que le vent sèche aussitôt en ramenant la blancheur d’avant. De l’eau. Dans la tasse de cuivre il n’y a que de l’eau. Et sur la toile, rien. Rien qui se puisse voir.
Souffle comme toujours le vent du nord, et la femme se serre dans son manteau violet.
– Plasson, voilà des jours et des jours que vous travaillez ici. Pourquoi donc emporter avec vous toutes ces couleurs si vous n’avez pas le courage de vous en servir ?
La question paraît le réveiller. Elle est parvenue jusqu’à lui. Il se tourne pour regarder le visage de la femme. Et quand il parle ce n’est pas pour répondre.
– Je vous en prie, ne bougez pas, dit-il.
Puis il approche le pinceau du visage de la femme, hésite un instant, le pose sur les lèvres et lentement le fait glisser d’un coin à l’autre de la bouche. Les soies se teignent de rouge carmin. Il les regarde, les trempe à peine dans l’eau, et relève les yeux vers la mer. Sur les lèvres de la femme reste l’ombre d’une saveur qui l’oblige à penser « de l’eau de mer, cet homme peint avec de l’eau de mer » – et c’est une pensée qui fait frissonner.

Alessandro Baricco, Océan mer.
L'un des plus bel incipit de la littérature. J'aurais pu le couper, mais je n'ai pas réussi - trop de rythme, de souffle, d'images dans cette écriture-là.
Un grand coup de chapeau à la traductrice française de ce magnifique roman philosophico-poétique, Françoise Brun.

Journal Entry 5 by jq- from Lyon, Rhône-Alpes France on Thursday, December 2, 2004
Mercredi 24 novembre 2004

Prenons l'aigle et la tortue.
La tortue dite terrestre - puisqu'il en existe une espèce marine - vit sur terre, comme son nom l'indique. Impossible de vivre plus près de la terre sans passer dessous. Son horizon ne s'étend guère au delà de quelques pas. Sa vitesse de pointe excède tout juste celle nécessaire pour prendre une laitue en chasse. Pendant que le reste de l'évolution la dépassait, elle a survécu en n'étant dans l'ensemble dangereuse pour personne et consommable qu'au prix de mille peines.
L'aigle, maintenant. Un animal aérien, un animal des cimes, dont l'horizon s'étend jusqu'au bord du monde. Une vue assez perçante pour repérer à un kilomètre le frémissement d'une petite bête couinante. La puissance et la maîtrise incarnées. La mort instantannée sur ailes. Assez de serres et de griffes pour faire son repas de tout ce qui est plus petit et prendre au moins un morceau sur le pouce de tout ce qui est plus gros.
Pourtant l'aigle reste de faction des heures durant sur son pic à surveiller les royaumes du monde jusqu'à ce qu'il surprenne un mouvement au loin. Il accommode alors, fait un point de plus en plus précis sur la petite carapace qui bringuebale là-bas parmi les brouissailles du désert. Et s'élance...
Une minute plus tard, la tortue voit le monde s'enfuir sous elle. Un monde qu'elle contemple pour la première fois d'une altitude qui ne se compte plus en centimètres mais en centaines de mètres ; et elle se dit : L'aigle, quand même, ça c'est un ami.
Et alors l'aigle la laisse tomber.
Et presque toujours la tortue exécute un plongeon mortel. Tout le monde sait pourquoi. La gravité est une habitude dont on a du mal à se débarrasser. En revanche, nul ne sait pourquoi l'aigle agit ainsi. C'est bon à manger, la tortue, mais vu les efforts déployés, on fait un meilleur repas avec à peu près n'importe quoi d'autre. C'est tout bonnement la grande joie des aigles de tourmenter les tortues.
Mais évidemment, ce dont l'aigle ne se doute pas, c'est qu'il participe à une forme très rudimentaire de la sélection naturelle.
Un jour, une tortue va apprendre à voler.

Terry Pratchett, Les petits dieux
(annales du disque monde XIII)

Journal Entry 6 by EmilieJolie on Friday, December 3, 2004
The european charabia

Même quand l’euro sera en service, un des gros handicaps de l’Europe restera la barrière des langues. Ce qui accéléra la formation des États-Unis d’Amérique, ça n’est pas qu’ils aient pris le dollar pour monnaie commune, c’est qu’ils parlaient tous l’anglais. L’Europe économique et commerciale se construit sans contrainte, mais il faudra du temps pour que les quinze, et demain les vingt ou vingt-cinq, se comprennent sans le secours de traductrices de poche. Les Français seront sans doute les derniers à se contraindre à cet exercice altruiste qui consiste à apprendre la langue des autres, puisque, si l’on en croit le dicton... celui qui parle trois langues est trilingue, celui qui en parle deux bilingue, et celui qui n’en parle qu’une, français. Chaque pays de la communauté fabrique des produits divers qu’il vend partout. Cela oblige le fabricant à inclure un mode d’emploi rédigé dans la langue de tous les autres. Et dans ce domaine, il y a des efforts à faire. J’ai acheté cet été deux produits très différents. Le premier, fabriqué en Italie, est un gonfleur pour matelas pneumatique. J’ouvre le mode d’emploi et je lis ceci : « Pour conserver bien et ne pas rendre le gonfleur défectueux, vous êtes prier [sic] de not le exposer au sol. » Jugez de ma surprise. Qu’est-ce que c’était que ce gonfleur que je ne pouvais pas laisser par terre... ? « Not exposer au sol. » Brusquement, je compris... « Sol... le soleil ! » Il fallait que je le not expose au soleil. Le deuxième objet était une capsule de séchage fabriquée en Allemagne. Le mode d’emploi était réjouissant : « Sécher votre appareil faudrait faire journalier. » C’était bien mon intention, le faire journalier, mais j’étais heureux que la notice me le précisât. La suite était du même cru : « De faveur pour la nuit. » Très bien, voilà une faveur que je n’allais pas me refuser. « La séchage est dépendant de la humidité d’environs. » La humidité d’environs est très néfaste au séchage... tout le monde sait ça. « De la humidité atmos-phérique [sic] et de le transpiration. »
Bien sûr, j’ai compris, mais peut-être pourrait-on suggérer aux entreprises qui exportent d’engager un étudiant de chaque nationalité qui traduirait le mode d’emploi dans sa langue. Pas besoin d’exiger bac + 5, quelqu’un capable de traduire en français : « Il est déconseillé de laisser le gonfleur au soleil » suffira. Outre le fait que cela créerait des emplois, cela éviterait aux utilisateurs de se creuser la tête devant « le transpiration, de faveur la nuit, compromet le séchage et qu’il faudrait ‘faire journalier’ ». J’imagine volontiers que les produits que nous exportons aux États-Unis ou en Angleterre sont soumis au même traitement de texte et j’imagine la tête de l’Anglais ouvrant son pot de moutarde et lisant : « It is recommended de close à nouveau the couvercle after usage, faute de what the mustard in the pot will be desseched and absolutely dégueulasse. »

Jean Amadou
Vous n’êtes pas obligés de me croire
J’ai lu, Paris, 1999
p. 11-12

Ce livre est un recueil des chroniques que faisait Jean Amadou sur Europe 1. Cette chronique, étant donné mon métier (traductrice), avait attiré mon attention naturellement !

Journal Entry 7 by maetnehpetS on Tuesday, December 7, 2004
"Il était une fois... Un chevalier qu'on appelait 'grand héros'. Au cours d'un légendaire combat à mort, il a défié et battu le roi du mal qui martyrisait les gens...
Une fois le roi du mal vaincu, les monstres sous son emprise ont été libérés du maléfice. Ils ont recommencé à vivre en paix sur l'île de Demurin, une île des mers du sud.
Fly est le seul être humain de Demurin. Quand il était petit, Fly qui rêve de devenir un héros a suivi l'entraînement spécial du héros Aban. Aban a autrefois vaincu Hadora, le roi du Mal. Cependant Aban est mort au cours d'un combat impressionnant contre Hadora ressuscité.
Fly et Poppu, héritiers de la volonté d'Aban, partent combattre les armées du mal en compagnie de Fuam. Ayant abattu Krokodin, ils luttent à présent contre hyunkel. Hyunkel est aujourd'hui le chef de l'armée des Immortels alors qu'il fut autrefois le premier disciple d'Aban!!

Résumé de l'histoire du tome 5 de Fly, manga de Riku Sanjo (scénario) et Koji Inada (dessins) composé de 37 tomes (à priori...)

Journal Entry 8 by Snoow from Lyon, Rhône-Alpes France on Tuesday, December 28, 2004
Séance du 24 novembre 2004 -> suite !

"
Les bonnes manières à la guerre

Quand un Inférieur croise un Supérieur, l'Inférieur doit saluer le Supérieur.
Cette charmante coutume s'appelle le salut. Pour saluer, l'Inférieur porte sa main droite là, en mettant les doigts comme ça. Quand un Supérieur entre dans la chambre d'un Inférieur, ce dernier doit saluer en bombant le torse. S'il n'a plus de torse, comme cela arrive à la guerre, il doit bomber les genoux, ou n'importe quoi de bombable. C'est la position du garde-à-vous, on doit mettre le petit doigt sur la couture du pantalon, et les pieds comme ça.
Attention : avant de saluer un supérieur, il faut être sûr que c'est un supérieur. Un Supérieur est un Gradé. Un Gradé se reconnaît au nombre de ses burettes*. Plus le Gradé a de barrettes, plus le salut doit être servile.
Le salut est très joli. L'Inférieur doit y mettre beaucoup de respect pour le Supérieur, sauf en cas d'attaque thermonucléaire, où le salut pourra être effectué un peu plus vite.
Après le salut, il arrive que le Supérieur s'adresse à l'Inférieur. Celui-ci doit alors répondre en tournant humblement son béret dans ses doigts gourds.

A un général, on dit "mon général".
A un colonel, on dit "mon colonel".
A un adjudant, on dit "mon adjudant".
A un deuxième classe, on dit "ta gueule", à condition d'être adjudant.

* Attention typo : je dis "barrettes".




L'ennemi : pour quoi faire ?
A la guerre, l'ennemi est très important, pour ne pas dire irremplaçable. C'est même l'élément le plus irremplaçable de la guerre.
En cas de pénurie de tromblons, on pourra avantageusement s'entretuer au glaive, au bazooka, à l'énergie nucléaire, voire à coups de microbes pathogènes. Car les armes, Dieu merci.
- Y a pas de quoi !
- Mais si, mais si. Car les armes sont remplaçables. Mais pas l'ennemi.
Sans l'ennemi la guerre est ridicule.
Une guerre sans ennemi c'est comme un match de football sans ballon : l'homme ne sait sur qui taper, et il s'étiole, et il se ravale bientôt au rang de la bête, et c'est ce qui s'appelle la paix, du nom de la rue du même nom, qui est d'ailleurs elle-même assez souvent ravalée.

Comment reconnaïtre l'ennemi ?
Il est très important de reconnaître l'ennemi. Un ennemi qu'on ne reconnaït pas, c'est comme pas d'ennemi du tout, j'en frémis rien que d'y penser.
Le général Gamelin, qui faillit mourir à la guerre, avait coutume de dire à sa soubrette Josiane, dont il n'a jamais reconnu l'enfant qu'il lui fît : "Un homme qui ne reconnaît pas l'ennemi est un con." Après quoi, il avait coutume de lui faire un autre enfant qu'il ne reconnaissait pas non plus.

Voici quelques critères de base permettant à coup sûr de reconnaïtre l'ennemi :
L'ennemi est bête : il croit que c'est nous l'ennemi, alors que c'est lui ! J'en ris encore !

L'ennemi a des oreilles.

L'ennemi n'est pas contagieux.
D'accord, mais il est héréditaire.

L'ennemi est sournois : quelques fois l'ennemi est dans l'escalier, pour faire croire que c'est la concierge qui revient de suite.

L'ennemi devrait consulter son dentiste.

L'ennemi s'appelle Reviens.
Ah non, pardon, c'est ma gomme.

L'ennemi se déguise parfois en géranium, mais on ne peut pas s'y tromper, car, tandis que le géranium est à nos fenêtres, l'ennemi est à nos portes.

L'ennemi a un uniforme ridicule.

L'ennemi ne sait pas se tenir dans le monde. Quand on invite l'ennemi à la campagne, il égorge nos filles et nos compagnes jusque dans nos bras.
"

Pierre Desproges - Manuel de savoir-vivre à l'usage des rustres et des malpolis

Journal Entry 9 by Snoow from Lyon, Rhône-Alpes France on Wednesday, December 29, 2004
Deuxième séance le mercredi 29 décembre 2004, chez Snoow

Nous n'étions que trois, mais ce fut bien, d'autant plus qu'une bookcrosseuse s'est matérialisée l'espace d'une lecture. Vous en saurez plus bientôt.
En attendant, voici un extrait de ce qui sera bientôt une tradition:

"

Apprenons à pratiquer l'interruption volontaire de vieillesse

CYCLOPÈDE
Grâce à l'intervention volontaire de grossesse, la femme moderne peut désormais sortir la tête haute et le ventre plat.
Mais un nouveau pas vers l'humanisation de la médecine peut encore être franchi : je veux parler non plus de l'IVG, mais de l'IVV, l'"interruption volontaire de vieillesse".
Voyez ce septuagénaire chenu.

VIEILLARD
Je m'emmerde.

CYCLOPÈDE
Qu'attend-il encore de la vie ?

VIEILLARD
Rien du tout, je m'emmerde.

CYCLOPÈDE
Notre devoir n'est-il point de pratiquer sur lui l'IVV afin d'abréger son ennui ? Si, bien sûr. À une seule condition : que l'intéressé donne son accord.
(Au vieux :) Cher vieux, êtes-vous d'accord pour que nous pratiquions sur vous l'interruption volontaire de vieillesse ?

VIEILLARD
Non, ah non !

CYCLOPÈDE (Le tuant à coups de masse)
De toute façon, à cet âge là, on ne sait plus ce qu'on dit.

VIEILLARD
Aaaaargh !

CYCLOPÈDE
ÉTONNANT, NON ?




Apprenons à vaincre la mort avec un marteau

(Table - Pot de porcelaine avec couvercle - marteau.)

CYCLOPÈDE
Bien qu'il n'y ait plus de saisons et que le prix du super ait encore augmenté, de nombreuses personnes renâclent à l'idée de mourir un jour.
Eh bien (sourire rassurant), j'ai une bonne nouvelle : à partir d'aujourd'hui, plus personne ne mourra. En effet, je viens de faire une imprtante découverte. J'ai découvert que la mort était provoquée par un virus! (Solennel.) LA MORT EST UNE MALADIE CONTAGIEUSE. (Montrant le pot fermé - nom du virus écrit sur le pot "CURRICULUM TERMINUS".) J'ai isolé ce virus! Il ne me reste plus qu'à le détruire devant vous, et la mort sera vaincue. Regardez bien.

(Il prend le marteau, soulève le couvercle - roulement de tambour -, le virus de la mort essaie de s'échapper, mais Cyclopède lui fout un coup de marteau sur la gueule.)

VIRUS DE LA MORT
Aaaaargh!

CYCLOPÈDE
Et voilà! La mort est vaincue.
ÉTONNANT, NON ?




Sachons distinguer une gardienne d'immeuble d'un oléoduc

(Cyclopède est assis à une table de conférencier, entre une concierge et un morceau de pipe-line.)

CYCLOPÈDE
Pour ne pas être ridiculisé en société, il faut absolument savoir distinguer une gardienne d'immeuble d'un oléoduc.

(Monrant l'une, puis l'autre :)

Certes, à première vue, rien ne les distingue l'un de l'autre. Mais, avec un peu d'entraînement, nous DEVONS y arriver. Alors SEULEMENT nous ne serons plus celui dont on rit en disant : "Quel imbécile! Il a donné des étrennes à un oléoduc", ou encore "Quelle andouille! il a rempli sa concierge de pétrole." Comment faire, direz-vous?
Regardez bien.

(Il prend le morceau d'oléoduc, le fait tourner : on peut lire : "Paulette.")

(Se tourne vers la concierge.)


Comment vous appelez-vous, ma brave femme ?

CONCIERGE
Pauline Brouchard. Avec un "d".

CYCLOPÈDE (à la caméra)
Vous avez compris?... (un temps)... Non ? ça ne fait rien, on recommence.

(On bisse à partir de "Il prend le morceau d'oléoduc".)

Eh bien, oui, c'est ça : le pipe-line s'appelle Paulette, et la piplette s'appelle Pauline.

ÉTONNANT, NON ?

"

Pierre Desproges - La minute nécessaire de monsieur Cyclopède

Journal Entry 10 by Quiddy from Lure, Franche-Comté France on Wednesday, December 29, 2004
Lecture offerte du 29 Décembre chez Snoow.
Comme c'était une première pour moi, j'ai caffouillé, j'en ai trop lu. Je ne tape donc pas le début, ni l'introduction que j'ai plus ou moins improvisé - sorte de mise en contexte - qui, avec ces quelques heures de recul, me semblent bien inutiles.


"Au bord de la cressonière, Antigone, tu étais encore très petite et Ismène au berceau. Tes frères faisaient des ricochets sur l'eau, ils m'assaillaient de leurs cris pour que je dise qui en avait fait le plus ou avait lancé plus loin. Ce jour-là j'ai refusé de répondre, c'est toi que je regardais et j'ai lu dans tes yeux une peur et un grand désir. J'ai ramassé une pierre et je t'ai dis : "Essaie." Tu as hésité, puis tu as pris la pierre mais tu étais encore si petite, la pierre n'a pas ricoché et est tombée tout près. Tu n'as pas pleuré mais j'ai senti ta déception. J'ai ramassé une autre pierre et je t'ai dit : "Essaie encore, lance-là seulement. Tu peux!" Tu m'as regardée, interdite et tu as demandé : "Je peux, maman ?" J'ai redit : "Tu peux." Tu as lancé la pierre un peu plus loin. Tu étais fière mais chaque fois que je te donnais un nouveau caillou, tu me demandais : "Je peux?" Et tu ne bougeais pas avant que je te dise : "Tu peux."
Soudain les larmes me sont venues aux yeux, je me suis demandé : Est-ce que quelque chose opprime cette enfant pour qu'elle ait tant besoin de ma permission? J'ai compris que je te mesurais trop mon attention, toujours sollicitée par l'esprit aventuré d'OEudipe. J'étais aussi bien occupée de Thèbes, la cité d'orgueil et de mes fils, si beaux, si difficiles dans leur rivalité. Comment changer cela, c'était ma vie, mon fardeau, royal et quotidien? Alors je t'ai dit en plongeant mon regard dans le tien : "Dorénavant, donne-toi la permission toute seule, Antigone. Tu peux!" Il y a eu beaucoup d'amour sans doute dans notre échange de regards car, après un instant de silence, ton visage s'est illuminé. Tu as ramassé toi-même plusieurs pierres, tu t'es dit quelque chose à voix basse et tu les as lancées bien plus loin qu'à tes essais précédents. Tes frères eux-mêmes s'en sont apperçus avec surprise et t'ont applaudie.
C'est pour cela que plus tard, lorsque tu as voulu comme eux apprendre à monter à cheval, à manier les armes et conduire un char, je t'ai laissée faire. Je te désapprouvais, c'est vrai, mais puisque tu te donnais toi-même la permission d'agir ainsi, je n'allais pas défaire ce que j'avais fait."

"Antigone" Henry Bauchau (Actes Sud)

Journal Entry 11 by jq- from Lyon, Rhône-Alpes France on Thursday, December 30, 2004
Mercredi 29 décembre 2004

/!\ attention spoiler

Toutes les femmes du monde pleurèrent devant les écrans. La famille Vignont mangeait à sa table en demi-lune en regardant le champignon échevelé en serpents de gorgone qui marquait la fin de l'aventure généreuse. Mme Vignont avait ouvert une grande boîte de raviolis sauce tomate, les avait fait réchauffer au bain-marie et servis dans la boîte même, parce que ça se tient plus chaud, disait-elle, en réalité parce que ça allait plus vite, ça ne salissait pas de plat, et entre nous le décorum on s'en fiche. Après l'explosion, il y eut la tête d'un homme qui prit un air mélancolique pour prononcer des paroles de regret, et passa aux autres nouvelles. Malheureusement, elles n'étaient pas bones. Sur le front de Mandchourie, on s'attendait à... En Malaisie, une nouvelle offensive de... A Berlin, la famine due au blocus... Dans le Pacifique, les deux flottes... A Koweit, l'incendie des puits... Au Cap, les bombardements de l'aviation noire.. En Amérique du Sud... au Moyen Orient... Tous les gouvernements faisaient l'impossible pour éviter le pire. Des envoyés spéciaux croisaient des médiateurs à toutes les altitudes, dans toutes les directions. On espérait, on espérait beaucoup. La jeunesse bougeait un peu partout. On ne savait pas ce qu'elle voulait. Elle non plus sans doute. Les étudiants, les jeunes ouvriers, les jeunes paysans, et les bandes de plus en plus nombreuses de jeunes qui n'étaient rien et ne voulaient rien être se réunissaient, se mélangeaient, envahissaient les rues des capitales, coupaient la circulation, chargeaient la police en criant. "Non ! Non ! Non ! Non !" Dans toutes les langues, cela s'exprime par un petit mot explosif, facile à crier. Ils le criaient tous, ils savaient cela, ils savaient qu'ils ne voulaient pas. On ne sut pas exactement lesquels commencèrent à crier le "non !" des étudiants gondas : "Pao ! Pao ! Pao ! Pao !" mais en quelques heures toute la jeunesse du monde le criaient, face à toutes les polices.
- Pao ! Pao ! Pao ! Pao !...
A Pékin, à Tokyo, à Washington, à Moscou, à Prague, à Rome, à Alger, au Caire :
- Pao ! Pao ! Pao ! Pao !
A Paris, sous les fenêtres des Vignont :
- Pao ! Pao ! Pao ! Pao !
- Ces jeunes, moi, je les foutrais au boulot... dit le père.
- Le gouvernement s'efforce... dit le visage de l'écran.
Le fils se leva, saisit son assiette et la jeta sur le visage. Il cria :
- Vieux con ! Vous êtes tous des vieux cons ! Vous les avez laissés crever avec vos conneries !
La sauce coulait sur l'écran incasable. Le visage triste parlait sous la sauce tomate.
Le père et la mère, surpris, regardaient leur fils transfiguré. La fille ne regardait rien, n'écoutait rien, elle était toute autour de son ventre qui n'arrêtait pas de se souvenir de la nuit précédente passée dans un hôtel de la rue Monge avec un Espagnol maigre. Tous ces mots, ces mots, est-ce que ça compte ?
Son frère criait :
- On y retournera ! On les sauvera ! On trouvera le contrepoison ! Moi, je suis qu'un idiot, mais y en a qui sauront ! On les tirera de la mort ! On veut pas de la mort ! On veut pas de la guerre ! On veut pas de vos conneries !
- Pao ! Pao ! Pao ! Pao ! criait la rue de plus en plus fort.
Et les sifflets de la police, les éclatements mous des grenades lacrymogènes.
- Moi, je suis idiot, mais je suis pas un con !
- Les manifestations... dit le visage.
Il lui jeta toute la boîte de raviolis et sortit. Il claqua la porte en criant :
- Pao ! Pao !...
Ils l'entendirent dans l'escalier, puis il se confondit avec les autres.
- Que ce garçon est bête ! dit le père.
- Qu'il est beau ! dit la mère.

Barjavel, la Nuit des Temps

Journal Entry 12 by tennessee4919 from Lyon, Rhône-Alpes France on Sunday, January 2, 2005
Alors voilà, la bookcrosseuse inconnue, c'est moi !
Un poème de chez moi, que j'adore. Comme ça, vous connaissez la suite !

"Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :

Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la doulceur angevine."

Joachim du Bellay, Les Regrets

Journal Entry 13 by Quiddy from Lure, Franche-Comté France on Thursday, January 13, 2005
Lecture Offerte du 12 Janvier 2005, chez Snoow.

Deux extraits de "Trop Humain" de Donald Westlake. Je n'ai pas le livre sous les yeux car il est parti en ring plus ou moins sauvage... Promis, dès qu'il revient, j'insers les extraits ici.

"La première intervention de Ananayel" ;
puis,
"La seconde intervention de X".

Journal Entry 14 by jq- from Lyon, Rhône-Alpes France on Thursday, January 13, 2005
Mercredi 12 janvier 2005

Pour le Grand Organisateur des catastrophes, l'homme est un souffre douleur idéal car, parmi toutes les victimes, il est la seule à être consciente. Intelligent et ingénieux, il s'affaire comiquement pour échapper à son destin de gibier - ce qui rend plus attrayante la chasse à l'homme ouverte en permanence par la Nature.
Paradoxalement, les seules circonstances où l'homme ait le plus de chances de survie, ce sont les catastrophes dont il est en personne l'auteur responsable, c'est à dire les accidents de la route et les guerres.
Les statistiques le prouvent.
Enfermés dans ces coquilles d'oeuf qu'on appelle des automobiles, les conducteurs de bolide foncent les uns derrière les autres, ou les uns contre les autres, se dépassant, se frôlant, s'évitant, avec une marge de sécurité réduite à quelques centimètres. Si l'on ajoute que les règles de ce jeu périlleux ne sont respecgtées par aucun des participants, on peut raisonnablement prévoir qu'il n'y aura pas de survivant à la fin de ce ballet démentiel. Or, les statistiques nous apprennent que, sur les millions de fous qui jouent quotidiennement à ce jeu, quelques milliers seulement y trouvent la mort ; ce qui revient à dire que chacun de nous, en prenant la route, n'a pas plus de chance de périr de mort violente que de gagner un gros lot à la loterie nationale.
Environ quinze mille morts par an. Seulement. Et dans ce chiffre, on compte les piétons écrasés - ce qui n'est pas honnête. De toute manière, par rapport aux centaines de millions de personnes qui, pendant 365 jours, ont volontairement tenté leur chance au jeu de l'auto et de la mort, la proportion des victimes est infime. Pour ce sport viril qu'est devenue la migration motorisée du week-end, ce n'est pas une casse exagérée. En fin de compte, on s'aperçoit que le billard ou le croquet sont presque aussi dangereux.

Roger de Lafforest, ces maisons qui tuent
Mis à part ce passage que je trouve bien écrit, ce livre est une daube - surtout ne tentez pas de lire plus loin que cette petite introduction. Vous êtes prévenus. :-)

Journal Entry 15 by tennessee4919 from Lyon, Rhône-Alpes France on Thursday, January 13, 2005
Mercredi 12 janvier 2005

" Mots croisés.

J'aime bien rester à la maison avec papa et maman, le dimanche, quand il pleut, sauf si je n'ai rien à faire d'amusant ; alors, je m'enuie, je suis insupportable et ça fait des tas d'histoires.
Nous étions dans le salon ; dehors il pleuvait que c'était terrible, papa lisait un livre, maman cousait, l'horloge faisait "tic-tac" et moi je regardais un illustré avec des histoires formidables, avec plein de bandits, de cow-boys, d'aviatuers, de pirates, très chouette. Et puis j'ai fini mon illustré et j'ai demandé :
- Et maintenant qu'est-ce que je fais ?
Et comme personne ne m'a répondu, j'ai répété :
- Alors, qu'est-ce que je fais, hein ? Qu'est-ce que je fais ? Qu'est-ce que je fais ?
- Assez, Nicolas ! a dit maman.
Alors, moi, j'ai dit que c'était pas juste, que je n'avais rien à faire, que je m'ennuyais, que personne ne m'aimait, que je partirais et qu'on me regretterais bien, et j'ai donné un coup de pied sur le tapis.
- Ah ! non, Nicolas ! a crié papa. Tu ne vas pas commencer, non ? Tu n'as qu'à lire ton illustré, et voilà tout !
- Mais je l'ai déjà lu, mon illustré, j'ai dit.
- Tu n'as qu'à en lire un autre, m'a dit papa.
- Je ne peux pas, j'ai expliqué ; j'ai échangé mes vieux illlustrés contre les billes de Joachim.
- Eh bien, joue avec tes billes, a dit papa. Dans ta chambre.
- Les billes, ce sale tricheur de Maixent me les a gagnées j'ai dit. A l'école.
Papa s'est passé la main sur la figure, et puis iol a vu mon illustré qui était resté ouvert sur le tapis.
- Mais, a dit papa, il y a des mots croisés dans ton journal ! C'est très bien, ça ! Tu n'as qu'à faire les mots croisés, c'est amusant et instructif.
- Je ne sais pas les faire, les mots croisés, j'ai dit.
- Raison de plus pour apprendre, m'a répondu papa. Et puis je t'aiderai. C'est très simple : tu lis la définition, tu comptes le nombre de cases blanches et tu mets le mot correspondant. Vas chercher un crayuon.
Alors, moi, je suis parti en courant et quand je suis revenu, papa était en train de dire à maman : " Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour avoir la paix !" Et ils rigolaient tous les deux. Alors, je me suis mis à rigoler aussi. Ce qu'il y a de choueet avec nous, quand nous restons tous les trois à la maison, les dimanches où ilpleut, c'est que nous nous entendons drôlement bien. Quand nous avons cessé de rigoler, je me suis couché sur le tapis, devant le fauteiul de papa, et j'ai commencé à faire les mots croisés.
- Empereur des Français, j'ai lu, vaincu à Waterloo, en huit cases.
- Napoléon, m'a dit papa, averc un gros sourie.
- Capitale de la France, j'ai dit, en cinq cases.
- Paris, m'a dit papa. Et il a rigolé. Ca doit être chouette de tout savoir comme ça ! C'est dommage que ça ne lui serve plus à rien, à papa, puisqu'il ne va plus à l'école. Parce que s'il y allait, ce serait lui le premier de la classe, et pas ce sale chouchou d'Agnan, et ce serait bien fait. Et avec papa en cladsse, ça seraiy choueete, parce que la maîtresse n'oserait jamais me punir.
- Animal domestique, j'ai dit. Il a des griffes et il miaule, en quatre cases./
- Chat, m'a dit papa, qui avait mis son livre sur ses genoux et qui avait l'air de s'amuser autant que moi. Il est terible, papa !
- Espèce de dauphinelle du Midi, en douze cases, j'ai dit.
Papa, il n'a pas répondu tout de suite. il s'est gratté la tête, il a pensé, et puis il ùm'a dit qu'illéavait sur le bout de la langue et que ça allait lui revenir, et que je lui dise la définition du mot suivant.
- Famille de plantes dicotylédones gamopétales, en quinze cases, j'ailu.
Papa a reprisson livre, et il m'a dit :
- Bon, Nicolas, joue un peu tout seul maintenant. Laisse-moi lire mon livre tranquille.
Alors j'ai dit que je ne voulais pas jouer tout seul ; mais papa s'est mis à crier qu'il voulait avoir la paix dans cette maison, et que si je ne voulais pas être puni, je ferais bien de me tenir tranquille et que je n'arriverais jamas à être instruit si je faisias faire mes mots croisés par les autres. J'ai vu que papa avait l'air drolement faché et que ce n'était pas le moment de faire le guignol, surtout avant le goûter, parce que maman avait fait une tarte aux pommes terrible.
Alors, j'ai con,tinué à faire les mots croisés tout seul. au début, ça allait, c'était des mots faciles : Antilope d'Afrique du Sud en quatre cases, c'était "veau", bien sûr ; pour "Embarcation, je savais que c'était "Bâteau", mais ce qui est embêtant, c'est qu'ils se sont trompés en faisant les mots croisés, et ils avaient mis uin tas de caxses en plus. alors, j'ai écrit très grand, et ça allait ;un petit cours d'eau, je savais que c'était "Ruisseau", mais comme je n'avais que deux cases, je n'ai pu mettre que "Ru", tant pis. Et puis ils ont recommencé avec les mots difficiles, et j'ai dû demander de nouveau à papa :
- Animal dontr la fourrure brune et noirâtre est très estimée, en huit cases ?
Papa, il a baissé d'un coup son livre sur ses genoux, et il m' fait les gros yeux.
- Nicolas, a dit papa, je croyais t'avoir...
- Zibeline, a dit maman.
Papa, il est resté avec la bouche ouvert etr il a tourné la tête vers maman, qui continuait à coudre. Et puis il a fermé la bouche et il n'a as eu l'air content,; Papa.
- Je pense, a dit papa à maamn, que nous devrions aligner nos méthodes d'éducation en ce qui concerne le petit.
- Pourquoi ? a demandé maman, tout étonnée ; qu'est-ce que j'ai fait ?
- Il me semble, a dit papa, qu'il serait préférable que le petit fasse ses pots croisés tout seul. C'est tout.
- Et moi, a dit maman, il me semble que tu les prends bien au sérieux, ces mtos croisés ! Je me suis bornée simplement à aider le petit, je ne vois pas de mal à ça !
- Ce n'est pas, a dit papa, parce que tu connais par hasard le nom d'un animal à fourrure que...
- C'est bien par hasard, en effet, que je connais le nom de la zibeline, a dit maman en rigolant comme quand elle est fâhcée ; ce n'est pas avec les fourrures que l'on m'a offertes depuis mon marriage que j'aurais pu devenir une experte.
Alors, papa s'est levé, et il a dit que bravo, ah ! là là, que c'était bien ça toute la reconnaissance qu'on avait pour lui, pour lui qui travaillait dur et qui se saignait aux quatres veines pour que nous ne soyons privés de rien, et qu'il n'avait même pas le droit d'avoir un peu la paix à la maison. Et maman lui a dit que sa maman à elle avait bien raison, et on m'a envoyé dans ma chambre finir mes mots croisés.
J'avais à peine fini de mettre en noir les cases blanches qui étaient en trop dans mes mots croisés quand maman m'a ppelé pour le goûter.
A table, personne ne parlait, et quand j'ai voulu dire quelque chose, maman m'a dit de manger et de me taire. C'est dommage, j'aurais bien aimé leur montrer mes mots croisés finis.
Parce que c'est vrai que c'est très instructif, les mots croisés ! Par exemple, vou saviez, vous, qu'un "Xmplf" c'est un mammifère commun de nos régions, qui rumine et qui nous donne son lait ?"

Goscinny & Sempé, Histoires inédites du Petit Nicolas.

Alors, ce petit Nicolas n'a pas pris une ride, et je vous conseille les 79 autres histoires pleines de candeur et de naîveté, :) Très raffraîchissant.

Journal Entry 16 by Snoow from Lyon, Rhône-Alpes France on Thursday, January 13, 2005
Pendant la seconde guerre mondiale, quand la flotte allemande surgit devant Oslo, les norvégiens n'avaient hélas pas très bien compris de quoi il retournait. Les navires de guerre nazis étaient entrés en toute tranquilité dans les fjords pour débarquer directement leurs troupes à quai. Comme il faisait nuit et que le quartier général était désert, aucune opération militaire norvégienne ne put être déclanchée. Le chef des forces terrestres téléphona affolé au premier ministre, qui lui ordonna de se rendre au quartier général. Mais vu l'heure tardive, impossible de trouver un taxi, et l'héroïque armée norvégienne avait été contrainte de se rendre aux Allemands.
Le grand vol du port d'Oslo fut mené dans le même style. Quand les précieuses caissent eurent été débarquées du navire, l'ex-conducteur de bulldozer Sutinen fit reculer un grand camion jusqu'à la marchandise. Le meurtrier récidiviste Hemmo Siira ouvrit les portes arrière du semi-remorque et arrosa le port avec sa mitraillette. Les deux hommes de main purent ainsi accomplir leur travail sans témoin. La cargaison fut transférée dans le camion, Suti la pelle sauta dans la cabine, tandis que Siira restait sur la plateforme, en position derrière les caisses d'or. Le lourd camion se rua à travers Oslo, puis sur la route nationale conduisant en Suède. Une fois en pleine nature, Hemmo Siira entreprit de jeter les lingots d'or dans le fossé. Rafael Juntunen, sac au dos, se promenait fort à propos sur la même route, prêt à les ramasser. Des voitures de police passaient de temps en temps en hurlant et on entendait au loin crépiter des mitraillettes. Tout se déroulait comme prévu.
Ce ne fut que dans les montagnes, du côté de la Suède, que la police parvint à dresser des barrages sur la route des fuyards. Le camion forçat les deux premier en se jouant, avant de s'arrêter, radiateur fumant, devnt un troisième amas de troncs d'arbres, renforcé d'un tapis de clous. À l'issue d'un bref échange de coups de feu, Siira et Sutinen se rendirent aux autorités Suédoises, qui les réexpédièrent à Oslo pour y être jugé. Ils implorèrent pitié, avouèrent tout et furent condamnés à des peines relativement légères. Ils ne passèrent que trois ans et demi dans les geôles norvégiennes, puis furent transférés à Stockholm, dans la prison de långholmen, pour répondre de délits mineurs précédemment commis en Suède.
Siira avait semé les lingots tellement au hasard que Rafael Juntunen eu un mal fou à les retrouver. Le premier jour, il n'enrécupéra que deux. Le lendemain, il en découvrit un autre. La police entreprit ensuite elle aussi de ratisser les fossés, ce qui compliqua encore les recherches du gangster, qui ne trouva le quatrième lingot que deux mois après le vol. Les flics fouillèrent obstinément le terrain pendant deux ans, et ramassèrent encore deux lingots. Puis on abandonna les recherches. Selon toute vraisemblance, il reste encore aujourd'hui au bord de la route quelques lingots du meilleur or fin d'Australie.
D'agréables années d'oisiveté attendaient Rafael Juntunen. Tandis que Siira et Sutinen purgeaient leur pein, il vivait libre de tout soucis financier dans son luxueux appartement de Stockholm. Il envoya mille livres sterling à son cousin d'Australie et l'invita à passer à l'occasion à Humlegård.
Une fois par semaine, le gangster allait rendre visite à ses complices en prison. Il leur apportait des revues pornographiques récentes, des cigarettes, du chocolat et du pain d'épice. Parfois, quand Siira et Sutinen l'en suppliaient trop, il se laissait aller à leur fournir des calmants. Plus le séjour en prison des hommes de main se prolongeait et moins leur chef prenait la peine d'aller les voir. Il ne se rendit bientôt plus à långholmen qu'une ou deux fois par mois, et ses visites étaient brèves. Une minute par homme. L'atmosphère carcérale lui éprouvait les nerfs.
Régulièrement, les autorités norvégiennes et suédoises perquisitionnaient dans l'appartement de Rafael Juntunen. Elles ne trouvèrent jamais rien en rapport avec le grand vol d'or. Le Finlandais avait caché les lingots à Vehmersalmi, sous le tas de fumier de sa ferme natale, maintenant à l'abandon. Il s'y rendait deux fois par an, maniait un moment la pelle, et retournait à son doux farniente stockholmois.
Mais, en ce jour de printemps ensoleillé, une mauvais nouvelle lui était parvenue de la prison de långholmen. Le meurtrier récidiviste et l'ex-conducteur de bulldozer allaient bientôt être libérés pour bonne conduite. Qui sait si ces criminels ne seraient pas relâchés dès l'été... et ils viendraient aussitôt exiger leur part.
Pendant ces splendides années, Rafael Juntunen s'était peu à peu éloigné de ses anciens complices. Il lui semblait maintenant totalement superflu de partager l'or restant. Il y en avait bien encore trente-six kilos, mais quand même. Que feraient ce gibiers de potence d'un tel magot ?
Le gangster considérait d'un oeil critique la molesse de l'administration pénitancière. Les truands professionnels comme Siira et Sutinen étaient traités dans les prisons de Suède avec bien trop de laxisme à son goût. De tels récidivistes endurcis méritaient d'être enfermés à perpétuité dans un quartier de haute sécurité. Et voilà qu'ils semblaient devoir être libérés.
"Chouchouter Des gangsters. Ce n'est pas en Finlande que ça arriverait", songea amèrement Rafael Juntunen.

La forêt des renards pendus - Arto Paasilinna

Journal Entry 17 by Erual from Lyon, Rhône-Alpes France on Thursday, January 13, 2005
LA CLOCHE

L’air jouissant d’une parfaite immobilité, à l’heure où le soleil consomme le mystère de Midi, la grande cloche, par l’étendue sonore et concave suspendue au point mélodique, sous le coup du bélier de cèdre retentit avec la Terre ; et depuis lors avec ses retraits et ses avancements, au travers de la montagne et de la plaine, une muraille, dont on voit au lointain horizon les constructions des portes cyclopéennes marquer les intervalles symétriques, circonscrit le volume du tonnerre intérieur et dessine la frontière de son bruit. Une ville est bâtie dans une corne de l’enceinte ; le reste du lieu est occupée par des champs, des bois, des tombes, et ici et là sous l’ombre des sycomores la vibration du bronze au fond d’une pagode réfléchit l’écho du monstre qui s’est tu.
J’ai vu, près de l’Observatoire où Kang-chi vint étudier l’étoile de la vieillesse, l’édicule où, sous la garde d’un vieux bonze, la cloche réside, honorée d’offrandes et d’inscriptions. L’envergure d’un homme moyen est la mesure de son évasement. Frappant du doigt la paroi qui chante au moindre choc dans les quinze pouces de son épaisseur, longtemps je prête l’oreille. Et je me souviens de l’histoire du fondeur.
Que la corde de soie ou de boyau résonnât sous l’ongle ou l’archet, que le bois, jadis instruit par les vents, se prêtât à la musique, l’ouvrier ne mettait point là sa curiosité. Mais se prendre à l’élément même, arracher la gamme au sol primitif, lui semblait le moyen de faire proprement retenir l’homme et d’éveiller tout entier son vase. Et son art fut de fondre des cloches.
La première qu’il coula fut ravie au ciel dans un orage. La seconde, comme on l’avait chargée sur un bateau, tomba dans le milieu du Kiang profond et limoneux. Et l’homme résolut, avant de mourir, de fabriquer la troisième.
Et il voulut, cette fois, dans la poche d’un profond vaisseau, recueillir l’âme et le bruit entier de la Terre nourricière et productrice et ramasser dans un seul coup de tonnerre la plénitude de tout son. Tel fut le dessein qu’il conçut ; et le jour qu’il commença l’entreprise, une fille lui naquit.
Quinze ans il travailla à son œuvre. Mais c’est en vain qu’ayant conçu sa cloche il en fixa avec un art subtil les dimensions et le galbe et le calibre ; ou que des plus secrets métaux dégageant tout ce qui écoute et frémit, il sut faire des lames si sensibles qu’elles s’émussent à la seule approche de la main ; ou qu’en un seul organe sonore il s’étudia à en fondre les propriétés et les accords ; du moule de sable avait beau sortir un morceau net et sans faute, le flanc d’airain à son interrogation ne faisait jamais la réponse attendue ; et le battement de la double vibration avait beau s’équilibrer en de justes intervalles, son angoisse était de ne point sentir là la vie et ce je ne sais quoi de moelleux et d’humide conféré par la salive aux mots que forme la bouche humaine.
Cependant, la fille grandissait avec le désespoir de son père. Et déjà elle voyait le vieillard, rongé par sa manie, ne plus chercher des alliages nouveaux, mais il jetait dans le creuset des épis de blé, et de la sève d’aloès, et du lait, et le sang de ses propres veines. Alors une grande pitié naquit dans le cœur de la vierge, pour laquelle aujourd’hui les femmes viennent, près de la cloche, vénérer sa face de bois peint. Ayant fait sa prière au dieu souterrain, elle vêtit le costume de noces, et, comme une victime dévouée, s’étant noué un brin de paille autour du cou, elle se précipita dans le métal en fusion.
C’est ainsi qu’à la cloche fut donnée une âme et que le retentissement des forces élémentaires conquit ce port femelle et virginal et la liquidité ineffable d’un lien.
Et le vieillard, ayant baisé le bronze encore tiède, le frappa puissamment de son maillet, et si vive fut l’invasion de la joie au son bienheureux qu’il entendit et la victoire de la majesté, que son cœur languit en lui-même et que, pliant sur ses genoux, il ne sut s’empêcher de mourir.
Depuis lors et le jour qu’une ville naquit de l’amplitude de sa rumeur, le métal, fêlé, ne rend plus qu’un son éteint. Mais le Sage au cœur vigilant sait encore entendre (au lever du jour, alors qu’un vent faible et froid arrive des cieux couleur d’abricot et de fleur de houblon) la première cloche dans les espaces célestes, et, au sombre coucher du soleil, la seconde cloche dans les abîmes du Kiang immense et limoneux.

Paul Claudel, Conaissance de l'Est [septembre 1897].
Je retrouve dans ce poème tout ce que j'aime chez Claudel : fascination pour la civilisation et les paysages orientaux, goût de l'éternité, mélange et même fusion du monde intérieur dans le monde extérieur... et cette langue, si précise et si belle, comme ciselée dans le plus beau métal.

Journal Entry 18 by maetnehpetS on Thursday, January 13, 2005
Le gorille - Georges Brassens

C'est à travers de larges grilles,
Que les femelles du canton,
Contemplaient un puissant gorille,
Sans souci du qu'en-dira-t-on.
Avec impudeur, ces commères
Lorgnaient même un endroit précis
Que, rigoureusement ma mère
M'a défendu de nommer ici...
Gare au gorille !...

Tout à coup la prison bien close
Où vivait le bel animal
S'ouvre, on n'sait pourquoi. Je suppose
Qu'on avait du la fermer mal.
Le singe, en sortant de sa cage
Dit "C'est aujourd'hui que j'le perds !"
Il parlait de son pucelage,
Vous aviez deviné, j'espère !
Gare au gorille !...

L'patron de la ménagerie
Criait, éperdu : "Nom de nom !
C'est assommant car le gorille
N'a jamais connu de guenon !"
Dès que la féminine engeance
Sut que le singe était puceau,
Au lieu de profiter de la chance,
Elle fit feu des deux fuseaux !
Gare au gorille !...

Celles là même qui, naguère,
Le couvaient d'un œil décidé,
Fuirent, prouvant qu'elles n'avaient guère
De la suite dans les idées ;
D'autant plus vaine était leur crainte,
Que le gorille est un luron
Supérieur à l'homme dans l'étreinte,
Bien des femmes vous le diront !
Gare au gorille !...

Tout le monde se précipite
Hors d'atteinte du singe en rut,
Sauf une vielle décrépite
Et un jeune juge en bois brut;
Voyant que toutes se dérobent,
Le quadrumane accéléra
Son dandinement vers les robes
De la vieille et du magistrat !
Gare au gorille !...

"Bah ! soupirait la centenaire,
Qu'on puisse encore me désirer,
Ce serait extraordinaire,
Et, pour tout dire, inespéré !" ;
Le juge pensait, impassible,
"Qu'on me prenne pour une guenon,
C'est complètement impossible..."
La suite lui prouva que non !
Gare au gorille !...

Supposez que l'un de vous puisse être,
Comme le singe, obligé de
Violer un juge ou une ancêtre,
Lequel choisirait-il des deux ?
Qu'une alternative pareille,
Un de ces quatres jours, m'échoie,
C'est, j'en suis convaincu, la vieille
Qui sera l'objet de mon choix !
Gare au gorille !...

Mais, par malheur, si le gorille
Aux jeux de l'amour vaut son prix,
On sait qu'en revanche il ne brille
Ni par le goût, ni par l'esprit.
Lors, au lieu d'opter pour la vieille,
Comme l'aurait fait n'importe qui,
Il saisit le juge à l'oreille
Et l'entraîna dans un maquis !
Gare au gorille !...

La suite serait délectable,
Malheureusement, je ne peux
Pas la dire, et c'est regrettable,
Ça nous aurait fait rire un peu ;
Car le juge, au moment suprême,
Criait : "Maman !", pleurait beaucoup,
Comme l'homme auquel, le jour même,
Il avait fait trancher le cou.
Gare au gorille !...

Journal Entry 19 by maetnehpetS on Thursday, January 13, 2005
Jérémie Kisling - Carambar - Album: Monsieur obsolète

Les filles c'est chouette comme les p'tites fêtes,
les marches militaires sans trompettes,
Comme un pistolet sans cartouches.
C'est chouette comme les vagues à la mer,
Chouette comme un p'tit resto pas cher,
Comme une chanson sous la douche.
C'est chouette comme un goal du pied droit,
Chouette comme un concert tous les mois,
Comme un hors-jeu sans juge de touche.
Comme un bec de ma grand-maman,
Les filles c'est chouette ça colle aux dents.

C'est chouette comme une bulle de savon,
De la neige sur le paillasson,
Comme une baignoire qu'on débouche.
Chouette comme les touches noires du piano,
Comme la plus grosse tranche du gâteau,
de la crème vanille à la louche.
C'est chouette comme une forêt sans loups,
Chouette comme du sirop pour la toux,
Comme un silence... sans vol de mouches.
C'est chouette comme un éternuement,
Les filles c'est chouette ça colle aux dents.

C'est chouette comme un enfant pas sage,
Comme le vin rouge et le fromage,
Comme deux mains moites qui se touchent.
Sauter dans le ciment tout frais,
Chouette comme... et non c'est même pas vrai,
C'est chouette comme un regard farouche.
Des lapins en chocolat blanc,
Les filles c'est chouette ça colle aux dents.

Journal Entry 20 by Snoow from Lyon, Rhône-Alpes France on Wednesday, February 23, 2005
Soirée du 23 février 2005

My favourite things

Raindrops on roses and
Whiskers on kittens
Bright copper kettles and
Warm woolen mittens
Brown paper packages
Tied up with strings
These are a few of
My favorite things

Cream colored ponies and
Crisp apple strudels
Door bells and sleigh bells
And schnitzel with noodles
Wild geese that fly with
The moon on their wings
These are a few of
My favorite things

Girls in white dresses
With blue satin sashes
Snowflakes that stay on
My nose and eyelashes
Silver white winters
That melt into Springs
These are a few of
My favorite things

When the dog bites
When the bee stings
When I'm feeling sad
I simply remember
My favorite things
And then I don't feel so bad.

Julie Andrews

Journal Entry 21 by maetnehpetS on Wednesday, February 23, 2005
Catulle Mendès

Déjeuner sous les branches

SANGUINE

Avec Dorimène ou Zerline
Est-ce Léandre ou Lélio
Qui suce du rosolio
Dans une flûte mousseline?

Comme un bouton de rose blanche
S'ouvre un corset de fin linon.
-"Ah! dit l'amant, suis-je de planche?
-Et moi? dit-elle. On voit que non.

Mais pendant qu'ils passent des bornes,
Sort des branches tout ahuri.
Un front si bien pourvu de cornes
Que c'est le Diable, ou le Mari!

1876

Journal Entry 22 by maetnehpetS on Wednesday, February 23, 2005
Paul Verlaine

Hombres

Dizain ingénu

Ô souvenir d'enfance et le lait nourricier
Et ô l'adolescence et son essor princier!
Quand j'étais tout petit garçon, j'avais coutume
Pour évoquer la Femme et bercer l'amertume
De n'avoir qu'une queue imperceptible, bout
Dérisoire, prépuce immense sous quoi bout
Tout le sperme à venir, ô terreur sébacée!
De me branler avec cette bonne pensée
D'une bonne d'enfant à motte de velours.

Depuis je décalotte et me branle toujours!

1860

Journal Entry 23 by EmilieJolie on Thursday, February 24, 2005
Chrétienne se trouvait installée à l’arrière de la barge sur un banc de bois, au milieu des bagages. Avec le jour, elle découvrit qu’elle n’y était point seule, assise près d’une sorte de gnome de la taille d’une grosse potiche dont il avait l’aspect lisse, rond et ramassé. Sur d’étroites épaules fuyantes, des bras courts et des mains pointues s’écrasait une tête énorme, fendue comme au rasoir d’une oreille à l’autre par un immense sourire lippu mais plein de bonté. La fille du Gouverneur, malgré l’appréhension qui l’avait tout d’abord saisie, tenta une timide approche et dit sur le ton cérémonieux qu’elle prenait avec les gens qui lui faisaient peur, les mutilés de guerre, les blessés qui traînent dans les hôpitaux avec une jambe ou un bras en moins, les très vieilles personnes que l’on promène dans de petites voitures recouvertes de toile cirée et d’une façon générale avec tous les malades que l’on trouve à Lourdes où sa mère allait tous les ans :
— Bonjour… Bonjour, Monsieur.
Sûre et certaine que cet être disgracié, il fallait en convenir monstrueux, aurait de la reconnaissance à se voir ainsi poliment traité. Insensible aux salutations de Chrétienne, il gardait ce long sourire immobile qui éclairait, sous ses lourdes paupières à demi baissées, d’immenses yeux dorés.
— Bonjour, bonjour, répétait Chrétienne qui s’était rapprochée et contemplait son nouvel ami avec une admiration curieuse et effrayée, surtout pour sa peau qui était sous son apparence gélatineuse ornée de tatouages d’une efflorescence bleutée.
La créature meugla, avec un bruit aussi vaste, aussi profond, aussi guttural, aussi sonore que celui d’une vache qui appelle son veau.
— Qu’est-ce que c’est ? interrogea la femme du Gouverneur en se relevant brusquement de la civière auprès de laquelle elle était agenouillée.
Et apercevant sa fille avec le plus énorme, le plus gigantesque, le plus obèse des crapauds dont elle n’avait jamais imaginé qu’il en existât dans le pire des cauchemars, elle mit sa main sur sa bouche et, perdant toute contenance, s’exclama :
— Seigneur Jésus !
Le monstre était le génie de la barge du bagne de Cayenne, le petit dieu qui évitait qu’elle ne fût prise dans les remous, le doux guide de l’Amazone, la sirène ensorcelante des bagnards, la corne de brume de l’océan, le repoussoir des requins, le compagnon de ceux qui se taisent, le père et le fils de la rivière.
— C’est mon ami charmant, dit Chrétienne les narguant tous, prenant sa mère de court sur le chapitre de l’amour aux défavorisés, sur la compassion que l’on doit avoir pour ceux qui sont différents, sur l’égalité des êtres dans le cœur de Dieu, sur Mon Semblable, Mon Frère. Plus Tu Es Laid Plus Je T’Aime. Plus Tu Pues Plus Je Te Respire. Ta Défiguration Est Exquise À Mes Yeux.
Élisant le crapaud, le voulant d’amour et d’amitié, réclamant qu’on le lui mît sur les genoux, gros poupon baveux qu’il était, prête à lui faire des risettes, désirant lui donner le biberon, ouvrant son cœur privé de chats et de chiens, d’oiseaux et de poissons. Hurlant au fond de la barge sa prière frénétique :
— Seigneur, Donnez-Moi Un Crapaud Pour Ami. Seigneur, Si J’avais Un Crapaud, Je Ne Serais Plus Seule. Je Saurais Qui Aimer.
Accroupie soudain devant le crapaud pour lui ressembler, les mains au sol, sautant sur ses jambes repliées, lui montrant qu’elle pouvait le faire et aussi baver avec de grosses bulles et meugler comme une vache, tout en sachant qu’elle allait trop loin, qu’il se serait aussi bien contenté d’un petit baiser, d’une brève caresse. Elle comprenait qu’elle dépassait l’amour qu’elle éprouvait, qu’elle y mettait de la colère, qu’elle donnait le spectacle d’une révolte qu’elle ne pouvait plus maîtriser, implorant que l’on fît quelque chose, car au point où elle en était, elle finirait enlacée au crapaud, sa bouche dévorée par la sienne et ils tomberaient comme un rocher au fond de la mer.
— Qu’est-ce qu’ELLE a ? demanda le Gouverneur, violemment irrité.
— Elle s’exalte, répliqua sa femme.
Un bagnard — qu’ils sont donc gentils, se dit la Mère de Dieu — s’approcha de l’enfant, la ramassa et, essuyant son front couvert de sueur, lui expliqua que ce crapaud était âgé et sacré, accoutumé à vivre sur le bateau, dressé depuis de longues années donc endurci comme un vieux marin. Mais on lui en trouverait un autre, un petit, un nourrisson à bavette bleue, avec un bonnet comme en portent les bébés. Elle hochait la tête, incapable tant sa gorge éraillée par la prière lui faisait mal de prononcer un mot. Heureuse de se taire, participant du fond du cœur au grand silence revenu.



La Fille du Gobernator
Paule Constant
Gallimard, pages 30-34

Journal Entry 24 by Quiddy from Lure, Franche-Comté France on Friday, February 25, 2005
"I want to be a saint. I want to save souls by the millions. I want to do good far and wide. I want to fight evil! I want my life-sized statue in every church. I'm talking six feet tall, blond hair, blue eyes -
Wait a second.
Do you know who I am?
I'm thinking maube you're a new reader and you've never heard of me.
Well, if that's the case, allow me to introduce myself, which I absolutely carve doing at the beginning of every one of my books.
I'm the Vampire Lestat, the most potent and lovable vampire ever created, a supernatural knockout, two hundred years old but fixed forver in the shape of the twenty-year-old male with features and figure you'd die for - and just might. I'm endlessly resourceful, and undeniably charming. Death, disease, time, gravity, they mean nothing to me.
Only two things are my ennemy : daylight, because it renders me completely lifeless and vulnerable to the burning rays of the sun, and conscience. In others words, I'm a condemned inhabitant of eternal night and an eternally tormented blood seeker.
Doesn't that make me sound irresistible?
And before I continue with my fantasy let me assure you :
I know damned well how to be a full-fledged, post-Renaissance, post-nineteenth century, post-modern, post-popular writer. I don't deconstruct nothin'. That is, you're going to get a full-dressed story here - with a beginning, middle and end. I'm taking plot, characters, suspence, the works.
I going to take care of you. So rest easy and read on. You won't be sorry. You think I don't want new readers? My name is thirst, baby. I must have you!"

Cet etalage d'orgueil et de vanité en toute innocence est un régal!

Lu le 23 février, encore chez Snoow :
"Blood Canticle" by Anne Rice.
Don't read it if you haven't read "Blackwood Farm", which you mustn't read if you haven't read "Merrick", "Memnoch", "Interview with the Vampire" and the complete "Mayfair Chronicles" AT THE VERY LEAST. But at this point you might be sick with Rice's "purple prose".

Journal Entry 25 by jaed from Paris, Ile-de-France France on Thursday, March 10, 2005
Trèèès trèèès en retard, voiçi une partie de mes lectures offertes…

D'abord, Le Parfum de Patrick Süskind:

Au XVIIIe siècle vécut en France un homme qui compta parmi les personnages les plus géniaux et les plus abominables de cette époque qui pourtant ne manqua pas de génies abominables. C'est son histoire qu'il s'agit de raconter ici. Il s'appelait Jean-Baptiste Grenouille et si son nom, à la différence de ceux d'autres scélérats de génie comme par exemple Sade, Saint-Just, Fouché, Bonaparte, etc., est aujourd'hui tombé dans l'oubli, ce n'est assurément pas que Grenouille fut moins bouffi d'orgueil, moins ennemi de l'humanité, moins immoral, en un mot moins impie que ces malfaisants plus illustres, mais c'est que son génie et son unique ambition se bornèrent à un domaine qui ne laisse point de traces dans l'histoire au royaume évanescent des odeurs.
À l'époque dont nous parlons, il régnait dans les villes une puanteur à peine imaginable pour les modernes que nous sommes. Les rues puaient le fumier, les arrière-cours puaient l'urine, les cages d'escalier puaient le bois moisi et la crotte de rat, les cuisines le chou pourri et la graisse de mouton; les pièces d'habitation mal aérées puaient la poussière renfermée, les chambres à coucher puaient les draps graisseux, les courtepointes moites et le remugle âcre des pots de chambre.


Je ne sais plus trop où je m'étais arrêtée, donc je passe à ma seconde lecture offerte de la soirée !
Il s'agit de Pourquoi j'ai mangé mon père de Roy E. Lewis :

- Et oui, cette fois, tu as passé els bornes, Edouard ! rabâchait oncle Vania, tout en mastiquant à belles dents une épaule de cheval, le dos au feu.
- Tu l’as déjà dit, fit remarquer père qui, lui, s’attaquait à une côte de bœuf dans le filet. Qu’est ce qui ne va pas avec le progrès, je voudrais le savoir ?
- Progrès, progrès, c’est toi qui lui donnes ce nom, dit Vania. Par-dessus son épaule, il jeta dans le foyer un cartilage décidemment incomestible. Moi, j’appelle ça de la rébellion. Aucun animal n’a jamais été conçu dans le but de dérober le feu au sommet des montagnes. Tu as transgressé les lois établies par la nature. Tu en seras puni, Oswald, passe-moi un morceau d’antilope, j’en prendrais volontiers.
- Moi, je vois la chose au contraire comme un grand pas en avant, persistait père. Peut-être un pas décisif. Évolution n’est pas révolution. Pourquoi serait-ce la rébellion ?
Oncle Vania pointa vers lui une clavicule accusatrice.
- Parce que ce faisant tu t’es expatrié de la nature, Edouard. Ne vois-tu pas quelle damnée prétention c’est là ? Quel orgueil, quelle outrecuidance, pour ne pas dire plus ? Tu étais un simple enfant de la nature, plein de grâce, d’ardeur, et d’innocence, Edouard ! Tu étais l’un des éléments de l’ordre établi, acceptant ses dons et ses peines, ses joies et ses terreurs, un éléments du majestueux ensemble formé par la faune et la flore, vivant avec lui en parfaite symbiose, avançant avec lui dans le rythme solennel et infiniment lent des changements naturels. Or, maintenant, qu’en est-il de toi ?
- Et bien, qu’en est-il de moi ? dit père.
- Coupé ! aboya oncle Vania. Séparé ! Exilé !
- Coupé de quoi ?
- De la nature, de tes racines, de tout vrai sentiment, d’appartenance, Edouard ! de l’Eden !
- Et toi non ? demanda père.
- Non ? Moi, je persiste à n’être qu’un simple enfant, et innocent, de la nature. Ta façon d’agir passée, présente et future, je la désapprouve de tout mon être. J’ai fait mon choix. Je reste singe.
- Encore un peu d’antilope ? dit père en souriant.
- Je goûterais plutôt de l’éléphant, merci. Mais ne crois pas pour ça que tu me dames le pion, Edouard. Quand l’animal a faim, il mange ce qu’il trouve, même si ce n’est pas de ses aliments habituels : loi naturelle de l’instinct de conservation. Il m’est permis, dans des circonstances exceptionnelles, d’ajouter du gibier à mon régime ordinaire de fruits, de larves et de racines. Dis donc, cet éléphant est un peu avancé, non ?
- Si, un peu. Nous ne sommes pas des as pour transporter des éléphants. Nous avons mis des jours à le trimbaler jusqu’ici. Ca père lourd, un éléphant. Mais ça vous dure.


Journal Entry 26 by Quiddy from Lure, Franche-Comté France on Saturday, August 27, 2005
Lecture du 27/08/05 chez Snoow.

"Amma ouvrit un vaste placard encastré dans le mur, fourragea dans le coin où s'entassaient des sacs en plastique, en sortit une grosse pierre creusée en forme de bol et un pilon pesant. Elle me retira des mains le récipient que je tenais, versa une partie des épices au font du mortier, et se mit à les marteler avec l'extémité massive du pilon. En moins d'une minute, la pièce se remplie de l'odeur chaude et lourde de l'ail et du gingembre. Elle tissait à mes sens comme une couverture de velours et me plongeais dans une pesanteur et une langueur nouvelles.J'observais les gestes d'Amma, le tressautement de son corps à l'oeuvre. Je voulais le vivre moi-même, sentir le pilon s'abattre à rythme régulier dans le creux lisse, liberant l'essence brûlante du gingembre et de l'ail. Hébétée, je lui pris le mortier des mains et me mis à pilonner. L'odeur de la bouillie d'épices me donnait faim et me comblait en même temps.
Dans la cuisine, ma tante était une autre femme, aux mouvements vifs, soudain pleins d'énergie. Hypnotisée, je regardais ses mains s'ouvrir en fleur et se refermer autours des oignons, sans laisser un seul morceau s'échapper.Elle reniffla la pâte que je lui tendais et secoua la tête.
- Pas assez de sel, dit-elle.
Sans lever les yeux, elle tendit le bras au dessus de sa tête pour saisir une boite en plastique où elle préleva une pincée de sel entre deux doigts énormes. Elle l'ajouta au mélange, avec des piments verts et quelques graines de sésame. Puis elle écrasa encore un peu les épices, non plus en les martelant mais en les pressant du pilon le long des parois. L'odeur exalée s'aiguisa subitement, puis s'enrichit d'un touche de citron. Tante Lathâ se mis à parler tout en travaillant.
- Tu vois, Lîla, chaque épice a son parfum. le défi, c'est de les marier. C'est comme dans la vie. Il y a des mariages qui durent, ton oncle et moi, par exemple. Nous, on s'harmonise. D'autres n'ont pas cette chance. Ma soeur a un mari horrible. Il n'écoute jamais ce qu'elle dit. Elle eut un sourire de coquetterie soudaine : Pas du tout le genre de mon Krishenbhai.
Elle haussa les épaules, le mouvement souleva des vaguelettes à la surface de sa chair.
L'huile était chaude dans la poêle. Tante Latha alla y déverser les oignons et la pâte. L'odeur, en explosant dans l'atmosphère me projeta contre la petite table, tandis que ma tante scrutait le mélange en le remuant vigoureusement, son double menton éclairé d'en dessous par les flammes bleues.
-Viens remuer, Lîla.
Je m'approchais et pris la spatule qu'elle me tendait.
-Continue jusqu'à ce que les oignons deviennent transparents, ordonna-t-elle avant de s'éloigner à pas flottants.
Je me penchais au-dessus du nuage qui montait de la poêle et la vapeur me mouilla le visage comme un baiser chaud. Je remuais doucement les petits cubes blancs. Soudain, une nouvelle odeur me frappa, une odeur totalement differente, une odeur de mort, laide comme elle. Je reculais d'un bon, comme si j'avais pris une gifle. La spatule me glissa de la main avac un bruit métallique. En un quart de seconde, ma tante parcourût les deux mètres qui nous séparaient et fût sur moi.
-Qu'est-ce qui se passe? Tu t'es brûlée avec
l'huile?
-Non, non, c'est... C'est l'odeur, juste l'odeur. ça m'a surprise...
Avant même d'avoir fini ma phrase, je me sentis ridicule et je me tus, fixant nerveusement le visage de ma tante.
Mais au lieu de la colère que je m'attendais à y lire, elle souriait, sincèrement amusée cette fois, et ce sourire la transformait.
-Alors c'est vrai, tu n'as pas menti. Ta mère ne t'a pas appris à cuisiner.
Elle pris une autre cuillère et se mis à remuer les oignons avec vivacité. Ils avaient cessé de siffler et brunissaient petit à petit.
-Mais ça ne fait rien. Ton instinct ne t'a pas trompée. Fie-toi à l'odeur, elle t'en dira long, dit-elle en continuant à remuer. Dans les oignons, c'est l'eau qui porte l'odeur, c'est elle qui pique les yeux et qui fait pleurer. Alors on les fait frire pour se débarrasser de l'eau.
Elle me regarda et repris :
-D'abord, les oignons se défendent, ils gardent leur eau, ils ont peur de mourir. Ils chantent, ils te crient dessus, ils te maudissent et ils dégagent une odeur horrible.Puis le feu et l'huile font leur travail et les oignons abandonnent la lutte. L'odeur les quitte comme le souffle quitte un mourant, et entre dans les autres ingrédients.
Elle marqua une pause solennelle avant de conclure :
-L'odeur des oignons, c'est celle dela mort.
Stupéfaite, je la regardais. son visage s'était adouci, ses yeaux gardaient le chatoiement que son sourire y avait mis.
-Tu feras une bonne cuisinière, petite, dit-elle."

"L'Odeur" de Radhika Jha.

C'est en lisant ce texte à voix haute que je me suis rendue compte de son érotisme, je n'y avais vu jusque là, qu'une description assez bien tournée des odeurs de la cuisine indienne. Quelle innocente!

Journal Entry 27 by Quiddy from Lure, Franche-Comté France on Saturday, August 27, 2005
Même jour, un petit conte pour finir la soirée :

"Il est, hors de ce temps, un Beau Pays différent de tous les autres pays où il y a des Fées : les Contes de Fées n’y parlent pas de Fées ; ils sont appelés Contes de Fées parce qu’ils sont racontés par les Fées, les jours de fête.
Voici un de ces Contes.

* * *

Quand un Méchant Dragon, d’un coup de son lance-flammes, rôtissait toute vive une Jeune Fille hurlante avant de se la croquer, craquante à point,
personne n’eût soulevé la question académique : “Le Dragon était-il conscient et responsable de ses actes au moment des faits ?”

Personne. Car il n’y avait, dans le Beau Pays, ni psychologue, ni psychiatre, ni psychopitre, sous quelque forme que ce soit, dont la sécurité d’emploi eût nécessité de soulever de faux problèmes.

De même, personne n’eût soulevé la question de la protection des Jeunes Filles contre les attaques brûlantes des Méchants Dragons.

Personne. Car il n’y avait, dans le Beau Pays, ni politicien, ni politicard, ni politopitre, sous quelque forme que ce soit, dont l’élection ou la réélection eût nécessité de créer de faux problèmes.

Après tout, les Jeunes Filles étaient supposées capables d’apprendre à se défendre, et toute victime d’un Méchant Dragon avait fait preuve d’incompétence.

Aussi, quand un Prince Charmant Mal Famé s’empara du cœur d’une Belle Princesse, personne n’y trouva à redire. C’était le cœur de la Belle Princess, non ? Et elle avait bien le droit d’en faire cadeau à qui elle voulait, non ?

Quand elle se trouva enfermée au sommet d’une haute tour gardée par un Méchant Dragon esclave du Prince Charmant Mal Famé, certains opinèrent que c’était
curieux de vouloir se faire garder enfermée par un Méchant Dragon. Mais elle avait bien le droit de choisir un cadre de vie original, non ?

Si l’on avait appris qu’elle devait faire et subir des choses qu’aucune Jeune Fille, Jeune Femme, Dame ou Mémé n’aurait aimé faire ni subir, on aurait pensé qu’elle n’avait sans doute pas les mêmes goûts et plaisirs que les autres Jeunes Filles,
Jeunes Femmes, Dames ou Mémés. Mais elle pouvait bien s’occuper comme elle l’entendait, non ?

Les jours passaient.

Un jour qu’un Prince Vraiment Charmant faisait sa promenade, passant près de la tour où séjournait la Belle Princesse, il l’entendit distinctement appeler à l’aide.

— Pourquoi ne sortez-vous donc pas, Belle Princesse ?

— J’ai besoin d’aide. Je ne puis sortir toute seule !

— Si c’est une plaisanterie, je n’ai pas envie de jouer à ce jeu, Belle Princesse. Pourquoi tuer un Méchant Dragon qui ne m’a rien fait ? Et pourquoi devenir l’ennemi d’un Prince Charmant Mal Famé qui voudrait me provoquer en duel ou, pire, me réclamer des indemnités pour la perte de jouissance de son Dragon ?

— Je ne plaisante pas, Prince Vraiment Charmant. La vie que je mène ici est horrible. Bien sûr, je suis responsable d’être tombée dans ce piège, mais maintenant je veux m’en sortir. Et dans le triste état où vous me voyez, je ne suis même plus capable de m’en sortir seule !

— Savez-vous vous battre, Belle Princesse ?

— Trop peu car, pour mon malheur, j’avais séché les cours de combat à main nue, à l’école !

Le Prince Vraiment Charmant fouilla dans les fontes de sa selle et en tira un ouvrage, “Comment transformer votre mental et votre corps en armes efficaces et vaincre tous vos ennemis, par le Prince Vraiment Charmant”, et dont le sous-titre affirmait : “Livre Très Excellent où l’on trouvera tous les secrets du combat avec les mains, les bras, les pieds, les jambes et la tête, et aussi les menteries et feintises qui déçoivent l’adversaire, et aussi les engins propres à multiplier ses forces et à réduire celles de son ennemi”.

Il attacha le petit ouvrage à une flèche qu’il tira vers la haute fenêtre d’où se montrait la Belle Princesse.

Or il se trouve que le Prince Charmant Mal Famé, agité de sombres envies et désireux de les essayer sur la Belle Princesse, se préparait à entrer dans sa chambre. Il ouvrit la porte au moment où la flèche passait la fenêtre. Il reçut la flèche en plein cœur.

Ce que voyant, la Belle Princesse fouilla dans la poche de Feu le Prince Charmant Mal Famé et y trouva la clé de la porte blindée de la tour. Elle la lança par la fenêtre au Prince Vraiment Charmant, qui la rattrapa au vol, entra dans la tour, attaqua le Méchant Dragon à l’aide d’un extincteur à mousse foisonnante et l’acheva avec son épée.

Pendant ce temps, la Belle Princesse avait étudié le livre du Prince Vraiment Charmant, déplacé le cadavre qui encombrait le seuil de sa porte, et fermé, puis défoncé celle-ci, juste à titre d’exercice pour voir si elle avait compris.

Le Prince Vraiment Charmant et la Belle Princesse se rencontrèrent dans l’escalier en colimaçon qui desservait la chambre qui avait été sa prison.

— Merci, Prince Vraiment Charmant. Vous m’avez sauvé la vie.

— Je n’ai rien fait que vous venir en aide, Belle Princesse, mais c’est vous qui avez fait le principal.

— Comment cela, Prince Vraiment Charmant ? N’est-ce point votre flèche qui navra mon homme à mort ? Et n’est-ce point vous qui occîtes le Méchant Dragon qui me gardait ?

— Je l’ai fait parce que je le pouvais, Belle Princesse, et parce que je l’ai voulu. Et certes, je ne l’eusses point voulu si vous n’aviez d’abord mandé mon aide. Pour s’en sortir, il faut d’abord le vouloir : c’est cela le principal. Le reste,
quoiqu’important, n’est que calcul et industrie.

Ils s’aimèrent très, très longtemps.

* * *

Les jours de fête, les Fées disent ce conte aux Enfants pour enseigner que, dans le Beau Pays, celui qui peut aider doir respecter la volonté de celui qu’il aide. "

Texte de source inconnue, oubliée plutôt.


Journal Entry 28 by tennessee4919 from Lyon, Rhône-Alpes France on Sunday, August 28, 2005
Le néant déroulait son immensité interminable dans les espaces exposés à tous les vents de la fin du temps.
La Mort attendait. Au bout d'un moment, ses doigts squelettiques se mirent à tambouriner sur le manche de sa faux.
Les ténèbres clapotaient autour de lui. Il n'y avait même plus d'infini.
Il tenta de siffloter quelques mesures de chansons impopulaires entre ses dents, mais les notes s'abîmèrent corps et biens dans le néant.
Plus question d'éternité. Tous les grains de sable s'étaient écoulés. Terminée la grande course entre l'entropie et l'énergie, et la favorite avait gagné, tout compte fait.
Il devrait peut-être affûter à nouveau sa lame ?
Non.
Sans grand intérêt, à vrai dire.
De grandes turbulences de rien absolu s'étendaient dans ce qu'on aurait qualifié delointain s'il avait existé un système espace-temps de référence pour encore donner à ce mot le moindre sens.
Apparemment, il n'y avait pas grand chose à faire.
CA SUFFIT PEUT-ETRE POUR AUJOURD'HUI, songea-t-il.
La Mort se retourna pour partir, mais au même moment il entendit un tout petit bruit. C'était au son ce qu'un photon est à la lumière, si ténu et si faible qu'il aurait passé totalement inaperçu dans le vacarme d'un univers en marche.
Il s'agissait d'un minuscule morceau de matière qui naquit brusquement du néant.
La Mort se rendit d'un pas raide au point d'arrivée et regarda attentivement.
Un trombone*.

*Beaucoup de gens pensent qu'il aurait dû s'agir d'une molécule d'hydrogène, mais les faits observés contredisent une pareille idée. Quiconque a jamais trouvé un fouet à oeufs jusque-là inconnu bloquant un innocent tiroir de cuisine sait que la matière brute se déverse en permanence dans l'Univers sous des formes relativement développées, lesquelles apparaissent en général dans les cendriers, les vases et les boites à gants. Elle choisit son aspect de façon à ne pas éveiller les soupçons ; parmi ses manifestations les plus communes, citons les trombones, les aiguilles d'emballage de chemise, les petites clés de radiateur de chauffage central, les billes, les bouts de crayons, les pièces mystérieuses de divers ustensiles pour hacher les fines herbes et les vieux albums de Kate Bush. Les raisons qui poussent la matière à agirent ainsi restent obscures, mais il est évident qu'elle a des idées derrière la tête.
Il est également évident que les créateurs d'univers préfèrent parfois le procédé du big-bang, mais ils recourent aussi de temps en temps aux méthodes plus doucves de création continue. Ces dernières faisant suite à des études de cosmothérapeutes qui ont révélé que la violence du Big-Bang risquait de causer à l'Univers de sérieux problèmes psychologiques à l'âge adulte.

Bon, c'était déjà un début.
Il y eut un auter léger bruit sec, et un petit bouton de chemis blanc se mit à tournoyer tranquillement dans le vide.
La Mort se détendit un peu. Bien entendu, ça risquait de prendre un petit moment. il s'écoulerait un certain temps avant que tout ça se complique suffisament pour produire des nuages de gaz, des galaxies, des planètes et des continents, à plus fortes raisons des corpuscules en tire-bouchon gigotant dans des mares vaseuses et se demandant si l'évolution valait la peine de se laisser pousser des nageoires, des jambes, et le reste. Mais il y avait djà l'amorce d'un mouvement que rien ne pourrait arrêter.
Tout ce qu'il avait à faire, c'était garder patience, et il s'y entendait de ce point de vue là. Sous peu allaient apparaître des créatures vivantes qui se développeraient comme du chiendent, galoperaient et riraient dans la lumière toute neuve du soleil. Qui se fatigueraient. Qui vielliraient.
La Mort se mit à l'aise. Il pouvait attendre.
Dès qu'on aurait besoin de lui, il serait là.

édith me dit que j'ai oublié ...
le titre : Eric - Les annales du disque-Monde IX
l'auteur : Terry Pratchett
l'année : 1990 (1997 pour la traduction française)

Journal Entry 29 by jq- from Lyon, Rhône-Alpes France on Sunday, February 12, 2006
samedi 11 février 2006

j'en vois des qui se donnent des bijoux dans le cou
c'est beau mais quand même
ce ne sont que des cailloux
des pierres qui vous roulent
et qui vous coulent
sur les joues
j'aime mieux que tu m'aimes sans dépenser des sous

moi je m'en moque
j'envoie valser
les trucs en toc
les cages dorées
toi quand tu me serres très fort
c'est comme un trésor
et ça, ça vaut de l'or

j'en vois des qui se lancent des regards
et des fleurs
puis qui se laissent quelque part
ou ailleurs
entre les roses et les choux
j'en connais des tas qui feraient mieux de s'aimer un peu
un peu comme nous
qui nous aimons beaucoup

et d'envoyer
ailleurs
valser
les bagues et les coeurs
en collier
car quand on s'aime très fort
c'est comme un trésor
et ça, ça vaut de l'or

moi pour toujours
j'envoie valser
les preuves d'amour
en or plaqué
puisque tu me serres très fort
c'est là mon trésor
c'est toi, toi qui vaut de l'or

-- zazie, j'envoie valser

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