Lecteur passionné et chasseur d'opérette, j'ai découvert le bookcrossing au détour d'une bilbliothèque, jadis, comme dans les contes pour enfants. Après avoir fait semblant de grandir quelques années, je reviens vers votre communauté de lecteurs anarcho-ludiques. La meilleure raison de rester parmi vous: personne, pas même Borgès, ne pourrait faire le tour du monde en vendant sa bibliothèque d'occasion; alors que chaque livre relâché est un voyage garanti.
J'aime l'angoisse du lâcher de livre, entre les papillons du premier rendez-vous et le doute qui vous saisit, ça ne rate jamais, au moment d'abandonner une lettre à la poste- vous n'avez plus de contrôle sur les évènements, plus de maîtrise, entre délivrance et frustration , angoisse et ivresse; ivre, le livre ira où le vent le portera: noir désir était une équipe de bookcrosseurs avant l'heure.
La chasse aux livres renverse le plaisir: d'amoureux transi, vous devenez chevalier résolu, détective de bibliothèque, passant d'enquêtes en quêtes, un objectif en tête, le lieu du crime ou le champ de bataille connus. Vous vous perdez dans les parcs, découvrez des ruelles, rasez des coupe-gorge à la recherche de preuves, pour retrouver votre Graal perso, des pages abîmées sous une couverture fanée, et passées de mains en mains depuis des années. Quand vous apercevez le logo jaune, au coin d'un bois, vous ne lui laissez aucune chance, vous lui sautez dessus avec enthousiasme, ou vous l'attrapez tranquillement, l'air de rien, flegmatique, mais la respiration un peu trop rapide, soudain.

Bref, le bookcrossing, un mythe délirant qui rend lyrique...

Comme lecteur, mes livres préférés sont des fauteuils en papier, bien rembourrés, où on se laisse aller sachant que la compagnie sera bonne et le voyage agréable. Parmi mes transats, installés sous des rayons de bibliothèque ou de soleil, entre flâneries et promenades, j'aime beaucoup Mabanckou, j'ai passé de longues soirées logé chez Lodge, je voyage dans les récits vrombissants de Fforde, quand je ne m'en vais pas courir, sous des éclairs ou au piano, avec Echenoz; j'ai fait du naturisme dans les Ardennes avec Guy Goffette, ma maison de vacances appartient au "barrio" de Tavarès, le quatuor du roi Ellroy m'a initié aux tueurs de la cité des Anges...sans parler de mon trio de tête, mes coups de coeur, des modèles de bookcrosseurs, le flâneur ferroviaire Jacques Réda, qui n'est jamais autant chez lui qu'à l'étranger, Daniel Kehlmann, l'arpenteur du monde et des consciences délirantes, et, last but not least, Jean-Bernard Pouy, enquêteur improvisé, libraire bourlingueur, anarchiste attachant, qui écrit comme un cycliste et dont les romans sont noirs mais pas tant que ça, par rapport au Rwanda.
Bref, éclectique.