Comme l'an dernier à la même date avec Le consentement, un témoignage brûlant, dérangeant et nécessaire : trente ans après, une femme révèle les agressions sexuelles subies par son frère jumeau à 14 et 15 ans.

Camille Kouchner et son frère naissent en 1974 chez Bernard, gastro-entérologue, fondateur de Médecins sans frontières, futur ministre sous Mitterrand et Sarkozy, et Évelyne Pisier, première femme agrégée en droit public (et sœur de l'actrice Marie-France).
Le couple se sépare en 1980 ; la mère se rapproche d'Olivier Duhamel, alors prometteur juriste en droit constitutionnel ; le père rejoint Christine Ockrent, incontournable présentatrice du 20h d'Antenne 2.

On pénètre dans cette famille brillante sous un angle idyllique : les rituelles vacances d'été, dans la propriété de Duhamel à Sanary, où s'agrège deux mois durant une aimable tribu dans une ambiance libertaire. Tout se passe bien, les enfants s'aiment, on se baigne, on rit à table, on refait le monde.

Puis en deux pages, tout change.

Sa chambre à elle était entre celle des adultes et celle de son frère jumeau. Avec des mots choisis, et la bonne distance, elle relate d'abord les faits, cinglants, puis le mécanisme sournois qui lentement va détruire le bel ordonnancement de cette famille "idéale" : le silence, les choix de ne rien dire, de prendre parti pour, et donc contre.

Les faits sont prescrits, mais l'abuseur est à terre, rayé de la carte des influences en trois jours.
Le frère a organisé sa vie et semble apaisé.
La sœur a recueilli son accord pour parler.
La mère est morte, en 2017, irrévocablement fâchée avec ses enfants et sa propre sœur.
Et la familia grande, jadis unie et joyeuse, s'est fracassée sur le mur des non-dits, des lâchetés et des hontes.

Seuil 2021, 200 p.

Je suis en pleine lecture, il sera bientôt fini. Quelle histoire !

Bonne lecture !

Celui-ci, je voulais le lire, après le Consentement. Le MBC de Strasbourg m'en donne l'occasion. Merci à tous pour cette belle organisation, et le plaisir de vous revoir!

Magistral! Camille Kouchner a su utiliser les bons mots pour décrire une famille dysfonctionnelle, depuis plusieurs générations, mais si solaire en apparence, si séduisante. Séductrice aussi. Les mots justes et forts pour dire les choses, "appeler un chat un chat", et rappeler la loi quand tout le monde, dans ce petit monde, tourne la tête et se tait.
Quelle douleur de voir disparaître ses proches, quelle douleur de n'être ni vu(e), ni entendu(e), pendant toutes ces années. Quelle douleur d'avoir été trompé(e), et de devoir renoncer aux lieux , à la douceur de son enfance.
Et quel courage Camille, pour faire face à tout ça et enfin dénoncer la perversion et son carnage.