Si c'est du Rezvani, je lui mets 10 sur 10 d'entrée de jeu. Le synopsis précise qu'il s'agit d'une autobiographie romancée. Je le range donc dans Biographies & Memoirs.

Serge Rezvani, dit "Bassiak" le vagabond, a composé une chanson restée célèbre, pour l'actrice Jeanne Moreau: "J'ai la mémoir' qui flanche, j'me souviens plus très bien". Rezvani, né en 1928 en Iran, est l'enfant d'un couple russo-iranien. Il est également l'auteur de "Mille aujourd'hui" et des "Années Lula". Lula désigne celle qui partagea longtemps sa vie.

Le personnage principal revoit, à la lumière d'un amour présent et d'une vie quotidienne particulièrement heureuse, son enfance aventureuse. Ces événements se situent dans un Midi préhistorique, chez les fourmis-lions, dans une Suisse en décomposition, dans un train fantôme, puis à Paris, sans parler de voyage en car, en voiture et en péniche. On retrouve le protagoniste au spectacle de la guerre, de la Libération et, pour finir, coincé dans les bras d'une moule cannibale.
Pour le présent, une petite maison perdue dans la forêt méditerranéenne et, à la frange du sommeil, Lula, Orion, Vénus et l'Amérique.

J'ai commencé à le lire, et je continue, parallèlement à d'autres lectures, comme j'ai fait avec "Mille aujourd'hui" de Serge Rezvani également. Lu bien des pages au salon-lavoir hier. Rezvani raconte l'enfance de Boris (son alter ego) ballotté de pension en pension, sa mère gravement malade (cancer), son oncle Ardalion... Et le narrateur Rezvani qui se met en scène relisant des passages de son récit à sa femme emblématique Lula.

Je continue la lecture de ce livre, parallèlement à d'autres lectures, comme le précédent Rezvani que j'ai lu ("Mille aujourd'hui").
Serge Rezvani raconte une enfance ballottée de pension en pension dans les années trente. Même en Suisse. Il évoque son père, le bateleur et prestidigitateur originaire d'Ispahan (Esfahan), sa mère qui décède du cancer vers 1934, son grand-père bricoleur d'appareillages électriques à la Jean Tinguely... L'ambivalence de la famille de Rezvani frappe au premier abord: tous l'aiment mais adorent l'envoyer en pension.

Pp. 282-283: "Sur la route de Rouen c'est la presse des grands jours, on se croirait en pleine guerre de Cent Ans, c'est la foire nationale. Poussettes, brouettes, vélos chargés à la chinoise, carrioles à âne, voitures à bras, c'est une pagaille infernale. Le peuple de France déménage à la cloche de bois.
Peu à peu on a tout balancé, on a vidé nos sacs de montagne. Nos chemises ont rejoint sur les bas-côtés de la route tous les excédents de bagages. Un vrai marché aux puces. Depuis le temps que ça défile on peut trouver de tout dans les caniveaux, aussi bien un piano qu'une garde-robe complète sans parler des sommiers, collections de timbres, illustrés, poussettes d'enfant, batteries de cuisine, tableaux de maîtres et tanks abandonnés. De temps en temps dans les champs qui bordent la débâcle on aperçoit un avion le nez planté profondément dans les sillons."

Le narrateur prend le train afin de regagner Paris, c'est l'été 1940.
Page 312: "De tous côtés des gens qui ne se connaissent pas. Mines innocentes, sourires d'anges et sifflotements distraits. Des têtes de canard dépassent des manchons, des oeufs se cassent sous les bras. Saucisses en poche, cervelas, boudins, salamis normands, camemberts coulants, toute la charcutaille en vadrouille. Jambons déguisés en guitares, chaussures trop grandes bourrées de tranches saignantes, religieuses dévidant des chapelets de haricots. Un vrai carnaval alimentaire. Attirés par les fumets exquis, tous les chats de La Ferté-Bernard sont là: Miaou... miaou... miaou ! Coups de pied. "Pschitt! va-t'en !"... miou... miou... marmiaou... mrrrrriaou... et que je me cogne, ron, ron... Les gens n'arrivent pas à s'en dépêtrer, c'est effroyable. Des matous montent sur les épaules... ils quémandent la queue verticale... Les Allemands se grattent la tête. Curieux tous ces chats! ils en restent pensifs."

L'ouvrage finit par la neige à Paris.
pp 535 sqq "L'hiver était rigoureux. La neige avait tout recouvert, il ne restait trace de mon passage. Elle avait dû tomber dru car c'est à peine si on pouvait encore deviner sous les molles ondulations, les dénivellations des caniveaux. Le froid est tellement vif que des stalactites se forment à vue d'oeil. Nous arrivons place de la Concorde. Le champ de neige semble tout à coup illimité. Des statues frangées de glaçons, figées dans un gel éternel désignent avec des gestes emphatiques les points cardinaux. Sous le ciel noir, la neige crue, nivelée, donne l'illusion que les statues, les fontaines et l'obélisque sont suspendus dans le vide. Près de moi une femme qui s'appelle Lula et que je ne connais pas marche à mon pas. Lula me sourit, son petit col de fourrure mitée palpite et remue dans le vent. D'un geste gracieux elle le ramène autour de son cou et nous repartons."
(pour la petite histoire, j'ai lu quelquefois ce livre dans la laverie du boulevard Carl-Vogt pendant que mon linge tournait dans la machine)

Nouveau statut.

Pour Mariesg via Katalobonga.

Bravo, vous avez emmené ce livre vers une nouvelle vie ! Si c'est une "première" pour vous, votre propre vie est également devenue un peu nouvelle, elle aussi...

Dites en bref ce que vous imaginez faire de ce livre.
Vous pouvez rester anonyme pour ça.

Si vous voulez faire comme moi, libérer des livres, vous devez les enregistrer ici sur www.bookcrossing.com. Là, il faut être inscrit, membre. C’est ouvert à tout le monde; pas mal, non ? Qu'est-ce qui est ouvert à tout le monde de nos jours ?

Faire voyager des livres, en libérer par ex. à un arrêt de bus, ou sur un banc, apprendre ce qu'ils deviennent, fait ressembler le bookcrossing à un jeu géant à effets multiples, rencontres d’autres bookcorsaires/bookcrossers, participation à des MBC (MegaBookCrossings, libérations massives de livres à plusieurs dans une ville choisie) découverte de livres, jeux, défis BC, etc.

Ne craignez ni pluie ni neige, on peut relâcher un livre emballé dans un sachet à zip pour aliments par ex. (prenez le modèle le plus grand).

Savoir plus ? Site bookcrossing.com, forums inclus, Site Watch, Français (forum 17), site Bookcrossing Romandie, page FB du Bookcrossing. Voyez les livres que j’ai libérés sur http://www.bookcrossing.com/mybookshelf/souram également.

A transmettre à Mariesg

Bonne lecture !

Merci, Souram :o)
Joli cadeau que te me fais (temporairement, s'entend !).

Ce livre mérite d'enfin retourner chez son propriétaire.
Je l'ai depuis si longtemps dans ma bibliothèque que je n'ai plus de souvenirs très nets de l'histoire... Rien de clairement violet en tout cas !
Merci, en tout cas, pource prêt à durée indéterminée ;o)

C'est l'un des livres de Rezvani où il excelle. Autant que dans Aventures sentimentales dans les Maures.
Aucun auteur n'a écrit comme Rezvani. En Francophonie il reste à part. Merci Mariesg.

Plus de onze ans ont passé depuis que j'ai découvert par hasard aux puces ce livre de Rezvani ! Entre-temps, Rezvani, 80 ans en 2008, vit toujours, il a 91 ans et 11 mois, il a cessé d'écrire après la parution d'un ouvrage en 2012. Rezvani n'est pas réellement oublié, certaines de ses chansons ont été interprétées par des chanteuses il y a quelques années. Il y a quelque chose d'intrigant dans le parcours de Rezvani, qui ferait un personnage romanesque intéressant.

p. 133:
(voyage en train)
"Dans les cadences et les cahotements, j'entends mon père parler avec son accent mélodieux. J'entends des gens rire, battre des mains, les femmes pousser de petits cris. Lorsque j'entrouvre les yeux, je vois des faces hilares dodeliner sous la lumière blafarde. Le train file à toute vapeur. Mon père gesticule, pleure, rit. Il fait disparaître et réapparaître des montres, des boules de lumières bleues, rouges, violettes… Il joue avec les portefeuilles, les reflets, les scintillements, semant à pleines mains son désordre enchanté. Nos compagnons de voyage se frottent les yeux. Des gens pris au piège des miracles encombrent le couloir. Ils restent arrêtés, éblouis comme des papillons de nuit. Ils palpitent derrière les vitres…"

Originaire de la province iranienne d'Ispahan / Esfahan, le père de Rezvani était un prestidigitateur de talent. Il s'appelait Medjid ou Madjid Khan Rezvani. A peu de chose près, c'est l'anniv. de l'écrivain Serge "Bassiak" Cyrus Rezvani ces jours (92 ans).

PP. 165 et suiv. :
Donc mon grand-père me parle du mouvement universel. Il avance par lentes spirales, il a du mal à décrocher des nébuleuses. Il parle des grandes migrations, des nouvelles générations qui s’envolent. Il m’explique que l’esprit de découverte n’est pas dû à la curiosité mais à un instinct de préservation de la race, que chez les plantes c’est exactement pareil. Il me demande si je sais pourquoi les graines des herbes sont barbelées, pourquoi les noyaux sont enrobés de la pulpe du fruit. La gorge serrée je fais non de la tête. Mon grand-père se frotte les mains, il tient le bon bout. Il m’explique, il mime, il devient graine, noyau, galaxie, il est dans toutes les dimensions à la fois. Il chante l’Univers, les vapeurs sulfureuses des premiers jours qui se condensent au ras de l’Océan. Il mime l’éclair originel qui mit le feu aux poudres. Il flotte en suspension pendant des millénaires de millénaires. Il imite la Terre. Il est la Terre. Il vaguebulle dans les zibraphones, il rêve déjà des grands envols qu’il ne verra jamais… Il dérive dans l’océan épais comme de la mélasse, tend ses doigts vers la lumière, palpe les photons… Il se tord de rire, ses doigts dessinent dans l’air des colonnes vertébrales. Il devient un peu batracien, un peu plante, un peu protozoaire, un peu saurien déjà…

Entre-temps, Rezvani en a publié d'autres de livres, dans les années 2010. Pas de veine pour Serge "Cyrus Bassiak": après la fin tragique de Danièle alias "Lula" (L'Eclipse) décédée démente, il avait "continué sa vie autrement" avec Marie-José Nat, laquelle mourut en 2019. D'un cancer.
Restent à explorer qqes autres titres de Rezvani. Variations sur les jours et les nuits, Histoire masquée... (Quand j'aurai fini Pierre Naudin ? ou avant?)

...

Il ne t'est jamais donné de rêve sans le pouvoir de le réaliser. (Richard Bach)

Une libé surprise pour le 14-7-2023.
Il y a, voyons, 34 ans, Radio Dublin diffusait "La vie en rose" pour les 200 ans de la prise de la Bastille. J'étais à Dublin à ce moment, en cours de langue dans une school de Ranelagh Road pas loin d'Ashfield Road.